2023 mention honorable du Prix pour le savoir engagé du Réseau Impact Recherche Canada (catégorie doctorat) : Yi Chien Jade Ho

Yi Chien Jade Ho a reçu honorable mention pour le Prix pour le savoir engagé du Réseau Impact Recherche Canada 2023 pour son projet, « Sentiment d’appartenance dans le quartier chinois : Aligner les efforts de lutte contre le racisme et les efforts de décolonisation ».

À propos du projet

Le projet de recherche Sentiment d’appartenance dans le quartier chinois : Harmoniser les efforts de lutte contre le racisme et de décolonisation s’inscrit dans le cadre d’un vaste projet de recherche doctorale. En s’appuyant sur une méthodologie narrative et participative, ce projet documente et explore de quelle manière les résident.e.s d’origine chinoise de la classe ouvrière s’organise collectivement pour résister au racisme anti-asiatique et à la gentrification rampante. Il vise aussi à mieux comprendre les enjeux autochtones dans le quartier chinois de Vancouver. Ce travail se concentre principalement sur mes deux premières années d’expérience militante au côté des résident.e.s âgés et de leurs allié.e.s lors de la campagne 105 Keefer. Cette campagne visait à lutter contre le développement de condos de luxe au 105, rue Keefer, dans le quartier chinois et a abouti à l’abandon du projet. Au cours de cette expérience, une coalition intergénérationnelle s’est formée. Elle était composée d’immigré.e s de deuxième génération ou de nouveaux immigré.e.s, ainsi que de personnes âgées d’origine chinoise à faibles revenus. La coalition a mené des actions pour augmenter le nombre de membres et a organisé une série de réunions, de rencontres et d’ateliers pour faire avancer les objectifs de la campagne et discuter de moyens concrets pour mettre en œuvre les pratiques de décolonisation dans l’organisation et les actions. Ces efforts prennent d’abord et avant tout leur source dans la volonté des membres de réaligner les connaissances sur la culture et les pratiques locales, aux objectifs plus vastes de justice sociale. Pour ce faire, il importe de repositionner ses relations avec l’État colonial et avec ses voisins autochtones. Dans un contexte de résistance au racisme anti-asiatique et à la décolonisation, tout effort qui est dépendant du système colonial d’immigration légale peut rapidement contribuer à déposséder davantage les peuples autochtones. Par conséquent, la décolonisation ne peut être une simple métaphore ou représentation de la construction d’une communauté antiraciste.

À cette fin, nous avons mis au point une série d’ateliers et d’activités spécialement conçus pour les personnes âgées d’origine chinoise. Bien souvent, les occasions d’apprentissage, comme les conférences publiques et les groupes de lecture, sont inaccessibles aux personnes âgées. Les jeunes organisateur.rice s ont rassemblé du matériel et organisé des ateliers avec les ancien.ne.s pour discuter de sujets comme la crise du logement, la discrimination, l’organisation communautaire et le colonialisme. Nous avons également organisé des événements tels que des visites guidées menées par des personnes âgées d’origine chinoise pour que les membres de la communauté découvrent le quartier chinois du point de vue de ces personnes, y compris l’impact de la gentrification sur les résident.e.s de la classe ouvrière.

Toutes nos réunions ont lieu en mandarin et en cantonais, la principale langue parlée par les participant.e.s. Au début de nos réunions, nous lisions à haute voix et à l’unisson les reconnaissances territoriales. La reconnaissance des terres a été traduite en mandarin et en cantonais. Le terme « reconnaissance » a été rendu par « nous exprimons notre gratitude » pour notre présence sur les terres des Coast Salish appartenant aux Nations Musquam, Squamish et Tsleil-Wauth, et « territoires non cédés » a éré rendu littéralement par « terres qui ont été prises sans accord ». Nous avons instauré cette pratique non seulement parce qu’il s’agit d’un protocole nécessaire, mais aussi parce qu’il permet de jeter les fondements de nos réunions et de toutes nos décisions collectives tout en créant un espace de discussion. En outre, nous avons réalisé qu’il peut être difficile pour de nombreux ancien.ne.s du quartier chinois de participer pleinement aux mouvements sociaux autochtones et autres, et de cultiver des relations avec les personnes qu’ils côtoient parfois au quotidien dans le quartier en raison des barrières linguistiques et des traumatismes raciaux. Par conséquent, nous avons commencé à organiser des rencontres sociales au cours desquelles les gens pouvaient se réunir pour partager des plats traditionnels et leurs expériences. Ils ont ainsi pu établir des liens dans un espace sûr. Nous avons également fait en sorte que les personnes âgées puissent participer à des actions importantes menées par des Autochtones, telles que la marche annuelle de commémoration des femmes, qui attire l’attention sur les femmes autochtones disparues et assassinées et sur la diversité de genre dans le Downtown Eastside. Le but était que ces personnes sachent qu’elles peuvent faire partie d’une communauté de changement en dehors des activités du groupe. Ces actions étaient toujours suivies de séances de réflexion et de groupes de discussion, afin que nous puissions transformer les leçons et l’énergie en idées concrètes pour notre propre travail.

La recherche issue de cette expérience apporte trois contributions principales. Tout d’abord, le projet met l’accent sur la voix et l’action des résident.e.s âgés de la classe ouvrière du quartier chinois. Bien que les immigré.e.s d’origine asiatique et la diaspora asiatique font partie de toutes les classes de la société, les problèmes auxquels sont confrontés les immigré.e.s à faibles revenus, les travailleur.se.s migrants, les personnes âgées et les réfugié.e.s sont rarement abordés dans les études et, lorsqu’ils le sont, ils sont traités de manière paternaliste. Deuxièmement, si des travaux novateurs et importants ont été réalisés sur la question du colonialisme de peuplement et de la décolonisation, la plupart d’entre eux se sont concentrés sur la critique de la position des colons blancs. Nos travaux visent plutôt à réunir plusieurs études scientifiques, pour fournir à la fois une compréhension nuancée de la racialisation asiatique et de la colonisation, ainsi que des exemples concrets de pratiques sur le terrain que les immigrant.e.s asiatiques peuvent adopter pour soutenir les efforts de réconciliation et de décolonisation. Enfin, ce projet favorise la collaboration et la solidarité interraciales. D’ores et déjà, les résident.e.s autochtones et chinois du quartier chinois et du Downtown Eastside travaillent ensemble pour lutter contre les politiques et les pratiques injustes en matière de logement dans cette partie de la ville.


À propos du honorable mention

Yi Chien Jade Ho 何宜謙 (elle/iel) est une immigrante qui travaille comme enseignante, chercheuse et doctorante à la faculté d’éducation de l’Université Simon Fraser, sur les Territoires non cédés les Nations xʷməθkʷəy̓əm (Musqueam), Səl̓ílwətaʔ/Selilwitulh (Tsleil-Waututh) et Skwxwú7mesh Úxwumixw (Squamish). Dans le cadre de ses études de maîtrise, Jade a été chercheuse communautaire au sein du projet Environmental School Project, une école primaire publique où l’apprentissage se fait entièrement en plein air. Jade enseigne également plusieurs cours, notamment sur les questions sociales et éducatives, les théories et la mise en œuvre des programmes d’études, la philosophie de l’éducation et l’organisation communautaire dans les communautés asiatiques et la diaspora asiatique. En dehors du monde universitaire, elle a été militante pour la justice en matière de logement dans le quartier chinois de Vancouver et au sein de l’Union des locataires de Vancouver. Elle a également été militante syndicale pour Teaching Support Staff Union et Contract Worker Justice @SFU. Ses travaux de doctorat portent sur le développement d’une pédagogie radicalement ancrée dans le lieu à travers le prisme de la décolonisation dans des contextes interculturels et sur le lien entre le lieu, la terre et l’identité dans les communautés marginalisées de Taïwan et de Vancouver.