Assurer l’avenir des compétences en matière de recherche

Ce rapport a été préparé par Cheryl Jensen au nom de l’Université McMaster.

La question des compétences nécessaires aux individus pour réussir dans le monde du travail en rapide évolution a fait l’objet d’une attention considérable, sans doute dans le monde entier et certainement au Canada.  Les efforts déployés pour travailler avec les employeurs et les étudiants afin de démontrer que les diplômés de l’Université, tant au niveau du premier cycle que des cycles supérieurs, possèdent les compétences nécessaires pour réussir, ont porté leurs fruits, notamment dans les domaines des sciences, de la technologie, de l’ingénierie et des mathématiques du premier cycle.  Le travail effectué dans les domaines des arts et des sciences humaines, où l’accent était mis par le passé sur la préparation des futurs professeurs pour la recherche et l’enseignement universitaires, a été plus difficile à quantifier et les perceptions négatives de la disponibilité et de la pertinence des emplois étaient difficiles à dissiper. En outre, les universités sont soumises à une pression croissante pour obtenir des résultats mesurables en matière d’impact de la recherche scientifique, de financement de la recherche et de réputation scientifique. Cette mission traditionnelle des universités centrées sur la recherche peut sembler incongrue avec la préparation à la carrière et les résultats en matière d’emploi. La recherche d’un équilibre approprié entre ce mandat et le soutien à l’employabilité des diplômés dans un environnement qui exige de la flexibilité, de l’agilité et une adaptation rapide est un défi difficile à relever, mais essentiel.

En collaboration avec le Centre des Compétences futures et le Réseau Impact Recherche Canada, l’Université McMaster a demandé à Cheryl Jensen, ancienne présidente du Collège Algonquin des arts appliqués et de technologie, de lui fournir des conseils sur la manière dont elle pourrait renforcer les liens entre les activités de recherche universitaire et les futures compétences des étudiants diplômés sur le marché du travail. Vous trouverez ci-dessous une liste de 4 recommandations que Mme Jensen a recensées comme des possibilités et des actions potentielles pour les universités dans ce paysage.

Recommandation 1 : Mettre en place un groupe consultatif communautaire composé d’employeurs, d’étudiants, d’anciens étudiants, de membres du corps professoral et d’administrateurs.

Un groupe consultatif communautaire se concentrerait sur l’évolution du monde du travail pour les intervenants et sur les actions visant à répondre aux besoins de compétences futures des étudiants. Cette approche a été utilisée avec succès dans le cas de la Table ronde des affaires + de l’enseignement supérieur (www.bher.ca).

Cette recommandation est fondée sur les perspectives développées dans un rapport de RBC sur une enquête auprès des employeurs, des étudiants et du gouvernement intitulé Humains recherchés – Facteurs de réussite pour les jeunes Canadiens à l’ère des grandes perturbations. Elle suggère que les employeurs doivent repenser leur façon d’embaucher, de recycler et de remodeler leur main-d’œuvre de façon continue, tandis que les éducateurs doivent penser au-delà des diplômes et des certificats. Le rapport suggère que des changements majeurs doivent être apportés au système éducatif pour soutenir la main-d’œuvre de demain, car de nombreux emplois seront perturbés et les entreprises canadiennes ne sont pas équipées pour se recycler dans la mesure nécessaire. Le rapport se concentre sur les compétences fondamentales au sein de six groupes, une approche qui pourrait permettre une plus grande mobilité de la main-d’œuvre.

Surtout pour le secteur des études postsecondaires, le rapport constate :

  • Seulement 37 % des propriétaires de petites entreprises sont satisfaits de la préparation à l’emploi des diplômés universitaires – ce sont ces entreprises qui ont le plus de difficultés à fournir une formation
  • La maîtrise des outils numériques sera essentielle pour tous les emplois, ce qui ne signifie pas que tout le monde doit être codeur
  • Des compétences globales telles que la sensibilité culturelle, la langue et l’adaptabilité seront prisées
  • Pratiquement tous les emplois accorderont une grande importance au discernement et à la prise de décision, tandis que les deux tiers valoriseront la capacité à gérer les personnes et les ressources

Une étude et un rapport de suivi, Bridging the Gap – What Canadians told us about the Skills Gap, ont été réalisés par l’équipe de RBC environ un an après la publication de Humains recherchés.  L’équipe de RBC, dirigée par John Stackhouse, premier vice-président, bureau du PDG, a, pendant 10 mois, visité 12 villes, organisé 36 événements et tables rondes, et s’est entretenue avec plus de 5 000 Canadiens, allant des jeunes et des travailleurs aux employeurs, aux éducateurs et aux décideurs, chacun ayant son point de vue sur la façon dont le Canada peut se préparer à un avenir perturbé.  Voici ce qu’a entendu l’équipe, comme l’indique le rapport :

  • Ne perdez pas de vue les arts libéraux
  • Accordez plus de valeur aux activités parascolaires
  • Mettez les enseignants en contact avec le marché du travail
  • Apportez des compétences de gestion au secteur technologique
  • Augmentez la formation des jeunes Autochtones
  • Aidez les petites entreprises à embaucher des étudiants
  • Favorisez les compétences numériques dans les industries non numériques

Le fil conducteur des discussions avec les employeurs qui ont alimenté le rapport était la nécessité d’un meilleur partage de l’information entre les étudiants, l’établissement universitaire, les dirigeants et les professeurs.  Le fait de réunir fréquemment toutes les voix autour d’une même table permettra d’enrichir la compréhension des enjeux par tous, de mettre chacun au courant des réalisations et des meilleures pratiques, ainsi que des travaux en cours, et de faire avancer des idées qui n’auraient pas été envisagées sans cette compréhension.

Recommandation 2 : Adopter des stratégies à l’échelle de l’établissement pour devenir des environnements d’apprentissage intégrés à l’éducation coopérative et au travail.

Il est facile de dire que les universités centrées sur la recherche doivent adopter des stratégies à l’échelle de l’établissement pour devenir des environnements d’apprentissage intégrés à l’éducation coopérative et au travail, mais il est difficile de l’imaginer et de le mettre en œuvre. La demande des étudiants en matière d’enseignement expérientiel est élevée et les employeurs veulent des étudiants ayant plus d’expérience professionnelle, ainsi que des stages coopératifs plus longs. Alors que l’industrie et le gouvernement ont été les principaux lieux d’apprentissage coopératif, il existe une possibilité d’expansion dans le secteur à but non lucratif, où les partenariats de recherche se développent et où les possibilités d’apprentissage des étudiants sont fortes, mais sous-développées. Il est recommandé aux universités de rechercher des partenariats plus approfondis avec des industries et des entreprises précises, en adaptant davantage les programmes à leurs besoins.

Cette recommandation comporte de nombreux défis, et tous les programmes ne s’aligneraient pas bien avec un modèle d’enseignement coopératif; cependant, les défis mériteraient d’être relevés.

Recommandation 3 : Élargir l’offre de programmes interdisciplinaires de premier et de deuxième cycles afin de mieux doter les étudiants des compétences qu’ils peuvent acquérir grâce à une éducation en arts libéraux, axée sur l’analyse critique et l’impact social, et associée à des compétences plus substantielles.

Parmi les exemples de ces programmes, citons le programme intégré d’affaires et de sciences humaines de l’Université McMaster et l’initiative de l’Université de Toronto appelée le projet des 10 000 doctorats. Ce dernier prévoit une forte augmentation du nombre de titulaires de doctorats et la nécessité de préparer ces diplômés à un emploi dans les secteurs privé et public en leur fournissant le personnel hautement qualifié nécessaire à une économie de l’innovation.

Ce type de recentrage peut s’avérer très utile pour les sciences sociales et humaines. On sait déjà que 40 % des étudiants en sciences sociales et humaines retournent à l’école dans l’année qui suit l’obtention de leur diplôme, et 15 % de ceux-ci s’inscrivent dans un collège communautaire. Lorsque les établissements ont développé leurs programmes interdisciplinaires de premier et deuxième cycles, ils ont constaté un changement important dans les inscriptions, qui peut être attribué au fait qu’ils ont rendu leurs programmes attrayants.

Recommandation 4 : Établir des consortiums régionaux d’établissements d’études postsecondaires (EES), d’entreprises, d’ONG et de gouvernements pour planifier les besoins du marché du travail et les stratégies visant à produire la main-d’œuvre nécessaire pour répondre à ces besoins

À Ottawa, une initiative appelée « Education City » a été lancée en 2018 pour « développer des programmes universitaires cumulables plus intégrés et des ateliers de recherche communs qui aideront à trouver des solutions aux défis auxquels sont confrontés les entreprises, les organisations à but non lucratif et les gouvernements » (Ottawa Business Journal, 25 février 2019). S’il existe déjà de nombreux exemples de programmes conjoints entre universités et collèges, peu d’entre eux sont conçus avec la contribution approfondie et systématique de ces intervenants régionaux de l’emploi.

L’initiative Education City d’Ottawa consiste en un partenariat entre quatre établissements publics d’études postsecondaires – l’Université d’Ottawa, Carleton, Algonquin et La Cité – dans le cadre duquel les établissements se sont sérieusement engagés à offrir des options d’études postsecondaires centrées sur l’étudiant entre les établissements.  La vision consiste à développer un nouveau type d’études postsecondaires qui soit flexible, qui tire parti des avantages des modèles d’enseignement collégial et universitaire et qui soit lié à la formation en milieu professionnel ainsi qu’à l’apprentissage et au développement pendant toute la vie. Les quatre présidents ont pris un engagement envers Education City dans leurs accords de mandat stratégique avec le gouvernement de l’Ontario et un financement a été obtenu du gouvernement provincial pour développer le concept et les mesures de réussite.

Bien qu’il y ait des défis à relever pour mettre en œuvre une telle recommandation et des préoccupations quant au fait de laisser un établissement posséder un segment d’une telle initiative dans l’environnement hyper concurrentiel actuel de l’enseignement supérieur, les avantages pourraient l’emporter sur les risques. L’avantage collectif pourrait être un plus grand impact du secteur des études postsecondaires dans les communautés qu’il sert, afin de répondre aux besoins de la main-d’œuvre et de l’économie en évolution.

Ce travail a été financé par le Conference Board du Canada par l’intermédiaire du Centre des Compétences futures du gouvernement du Canada

Toute omission de fait ou d’interprétation relève de la seule responsabilité des auteurs. Les conclusions ne reflètent pas nécessairement le point de vue du Réseau Impact Recherche Canada situé au Canada, de son bailleur de fonds ou de ses partenaires.