Liam Michaud a reçu le Prix 2024 pour le savoir engagé du Réseau Impact Recherche Canada pour son projet intitule Une ethnographie juridique et politique à l’ère de l’overdose : Mettre en avant les expériences des personnes qui consomment des drogues dans le cadre de réformes dans les secteurs de la santé et de la justice.
À PROPOS DU PROJET
À la croisée des domaines de la santé et du droit, ma recherche porte sur les réformes aux lois et politiques qui ont un impact sur la crise des overdoses, ainsi que sur l’expérience des toxicomanes. Mon projet consiste en une ethnographie juridique et politique et s’appuie sur des entretiens, des recherches sur la jurisprudence et une analyse des politiques. Lorsqu’ils sont confrontés à la justice, les toxicomanes rencontrent de grandes inégalités en matière d’accès à la santé et à la justice. Des changements ont donc été apportés à des politiques, à des lois et aux procédures judiciaires dans le but de résoudre ces inégalités ou de les atténuer, mais certains de ces changements ont plutôt pour effet de les accentuer. La crise des overdoses a un effet dévastateur, qui a coûté la vie à plus de 46 000 Canadien.ne.s depuis 2016. Cela met en évidence la nécessité de procéder à des changements urgents dans les pratiques et les politiques institutionnelles. Il est également urgent de faire preuve d’innovation en ce qui a trait aux politiques pour lutter contre les disparités raciales chroniques dans l’ensemble du système de justice criminelle, y compris les pratiques policières en matière de stupéfiants et de mortalité liée aux overdoses.
Dans cette recherche participative axée sur la réforme des politiques, je puise dans les ressources de l’étude critique du droit, de la sociologie médicale et des sciences politiques. Pour ce faire, je m’appuie sur le vécu des toxicomanes qui ont des démêlés avec la justice, et je mets en relation leur expérience avec les pratiques professionnelles afin d’établir un dialogue avec les acteur.rice.s de première ligne des secteurs de santé et de la justice criminelle qui répondent à la crise. Le projet vise donc à déterminer comment les réformes en matière de politiques et de pratiques sont vécues par les personnes directement concernées, à cerner les facteurs qui font obstacle à leur mise en œuvre efficace et à mettre en évidence les zones de tension persistantes.
Parmi les réformes observées, la plus importante concerne les accusations d’homicide contre des personnes qui ont partagé ou fourni les drogues ayant provoqué la mort accidentelle par overdose. Ce phénomène se développe rapidement en Ontario et partout au Canada. Cette question est cruciale pour l’équité en matière de santé. Il est en effet bien connu que de telles accusations criminelles portées dans le contexte des surdoses accidentelles sont un obstacle à l’accès aux services médicaux d’urgence. En effet, les témoins craignent souvent de faire l’objet d’accusations criminelles s’ils sont en présence de policier.ère.s. Cela exacerbe les difficultés juridiques déjà importantes auxquelles sont confrontées les personnes criminalisées pour leur consommation de substances psychoactives. La question des accusations d’homicide en cas d’overdose accidentelle s’inscrit dans la lignée de projets de recherches antérieures auxquelles j’ai participé, notamment en ce qui concerne l’expérience de la Loi sur les bons samaritains secourant les victimes de surdose, qui est considérée comme une occasion manquée de lutter contre les préjudices juridiques et qui a entraîné des préjudices moraux pour de nombreuses personnes.
Avant et pendant mon enquête sur le terrain, je me suis engagée avec les communautés concernées, à savoir les personnes qui consomment des drogues et les travailleur.se.s de première ligne responsables de l’atténuation des risques, afin de cerner les priorités concernant les expériences des personnes en matière de droit criminel et les facteurs juridiques de la santé, ainsi que les outils, les ressources et les résultats qui pourraient être nécessaires et pertinents pour soutenir leur travail.
La phase de mobilisation des connaissances du projet, financée par le CRSH, débutera plus tard cette année. Elle consistera à établir un dialogue avec les communautés touchées pour organiser des ateliers et créer des retombées pour le projet. Ces retombées comprendront une boîte à outils communautaire destinée aux prestataires de services de première ligne et aux organisations qui représentent des toxicomanes afin d’accroître les connaissances juridiques et d’orienter les messages clés destinés aux bénéficiaires, ainsi qu’une boîte à outils juridique destinée aux avocat.e.s qui synthétisera la jurisprudence canadienne concernant les poursuites pour homicide en cas d’overdose accidentelle et présentera de l’information contextuelle sur le milieu social et les preuves d’expert.e.s. Les boîtes à outils renforceront la capacité des communautés touchées et des organisations de santé à élaborer des messages et des programmes adaptés à leur clientèle, et visent à combler une lacune importante dans les connaissances des professionnel.le.s de la santé et du droit.
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Bibliographie
Michaud, L. (2024, sous presse). Prosecuting overdose: The use of manslaughter charges and enhanced penalties against people who use, share, and sell drugs. Canadian Journal of Law & Society.
Michaud, L., van der Meulen, E., Chu, S. K. H., & Butler-McPhee, J. (2024). “The Law is too Grey”: Liminal Legality and Moral Injury in Encounters with Drug Law Enforcement. Social & Legal Studies, 09646639241249074.
À PROPOS DU LAURÉAT
Liam Michaud est candidat au doctorat en études sociojuridiques à l’Université de York et chercheur étudiant à Dahdaleh Institute for Global Health Research. S’appuyant sur des méthodes de recherche ethnographique et participative dans les communautés, ses recherches se concentrent sur l’expérience des toxicomanes dans le système de justice, l’accès aux soins de santé et les réformes politiques dans le contexte de la crise de la consommation de drogues et des overdoses.