Quel peut être le rôle du partenariat équitable dans la décolonisation de la recherche et les politiques de renforcement de la résilience locale?

Voilà le sujet d’une conférence qu’on m’a invité à présenter à la conférence 2022 d’Africa Research & Impact Network (ARIN), le 8 décembre 2022. Mon rôle, en tant que vice-président adjoint des stratégies et de l’impact de la recherche, concerne entre autres l’équité, la diversité et l’inclusion (EDI) dans la recherche en général et plus spécifiquement la décolonisation de la recherche et de la gestion de la recherche. Dans le contexte du Réseau Impact Recherche Canada (RIRC), nous avons créé un groupe de réflexion sur l’EDI et la mobilisation des connaissances (je dis « réflexion » parce que nous ne connaissons pas encore le mandat du groupe). Ce fut donc un grand plaisir pour moi de participer à cette conférence et de tisser des liens avec ARIN. Je vous propose ci-dessous un résumé de ma conférence.

De plus en plus, on conteste l’usage du mot « décolonisation » dans la recherche autochtone, notamment lorsqu’il est question d’institution. Si on admet pouvoir « décoloniser » des méthodes et des approches, on peut plus difficilement « décoloniser » une université dont les racines sont profondément ancrées dans les pratiques coloniales et qui sont financées, gouvernées et évaluées conformément à des façons de penser et d’agir que l’on qualifie de coloniales et occidentales. J’utilise moi-même le mot « décolonisation » dans le cadre de mes travaux à l’Université York, mais mon approche consiste à éliminer toute barrière systémique qui nuit à la mobilisation véritable du financement pour la recherche autochtone, pour les chercheur.e.s autochtones et pour les partenariats autochtones dans les communautés. De fait, il y a très peu de financement autochtone qui ne soit pas offert en partenariat avec les communautés autochtones. Et de plus en plus, on s’attend à ce que la recherche autochtone soit menée par les Autochtones. Si bien qu’il faut qu’on élimine les barrières, et ce aussi bien dans les campus qu’en ce qui a trait à la création de relations entre les communautés et les campus.

Lorsqu’on parle de communauté engagée et de communauté leader, cela signifie aussi que l’on honore les principes du protocole PCAP (propriété, contrôle, accès et possession). Le protocole PCAP concerne les activités de recherche menées en collaboration avec les Premières Nations, mais pas celles menées avec les Métis ou les Inuits. Conformément au protocole, une communauté a entre autres le pouvoir de déterminer si les résultats d’une étude peuvent être publiés. Les institutions coloniales doivent être d’accord avec ce principe.

Notre travail à l’Université York et au RIRC est axé sur les partenariats de recherche comme moyens pour améliorer l’accès à la recherche et aux chercheurs dans la communauté. J’aime croire qu’un bon partenariat est un partenariat authentique. Dans l’unité de la MdC à l’Université York, notre rôle est d’éliminer les structures traditionnelles de pouvoir et de rétablir un équilibre entre les partenaires du campus et ceux de la communauté.

Cela se fait de plusieurs façons :

  • Nous avons une équipe de deux personnes à temps plein qui se consacre entièrement à ces efforts et qui est dotée d’un budget d’exploitation.
  • Nous travaillons autant avec la communauté qu’avec les chercheur.e.s.
  • Notre règle d’or est « demandé par la communauté », pas « imposé par l’université ».
  • La communauté peut nous soumettre des idées de recherche. Nous offrons de l’aide pour transformer les occasions en projets de recherche. Nous nous efforçons de trouver le bon chercheur.e, qui respecte l’expertise complémentaire de la communauté et ses expériences. Nous ne considérons pas notre travail comme faisant partie d’un cycle d’offre et de demande dans lequel l’université possède le savoir dont a besoin la communauté. Pour en savoir plus sur les courtier.ère.s du savoir, cliquez ici.
  • Nous aidons les chercheur.e.s à rédiger des demandes de bourses pour le partage des résultats avec les communautés. J’ai été le principal chercheur d’une bourse de rayonnement public du CRSH. Ma co-demandeure était Daniele Zanotti, chef de la direction, United Way York Region. En tant que co-demandeur (plutôt que partenaire ou collaborateur), United Way a pu recevoir 75 000 $ (de la bourse totale de 93 000 $) pour embaucher du personnel dans la communauté.

C’est ainsi que nous fonctionnons, et ce aussi bien avec nos collaborations dans les communautés autochtones que celles avec des partenaires non autochtones. En fait, une des leçons tirées de nos travaux en décolonisation de la gestion de la recherche, c’est que cela peut aussi s’appliquer aux communautés non autochtones de manière à ce que tous profitent de la recherche.

Est-ce cela la « décolonisation »? Je n’en suis pas certain, mais nous essayons de redonner du pouvoir à la communauté de manière à ce qu’elle puisse être un partenaire équitable, et pas juste un pion. Il y a très peu de résistance, sauf lorsqu’il est question de verser des sommes aux partenaires communautaires pour embaucher des chercheur.e.s dans les communautés, plutôt que des étudiant.e.s. Renforcer la capacité communautaire de façon à ce qu’elle devienne un réel partenaire est une étape importante dans la redistribution du pouvoir entre les collaborateur.rice.s communautaires et ceux des universités.

Quelle est la clé du succès?

  1. Du leadership : Le premier vice-président de la recherche et de l’innovation à l’Université York était psychologue en éducation. Ses travaux, il les menait dans les salles de classe par la recherche de stratégies pour renforcer l’apprentissage. Selon lui, la recherche devrait s’émanciper de l’université afin d’avoir une réelle différence.
  2. De la planification : Les activités doivent être prévues dans les politiques institutionnelles et les documents de planification. Si la création d’impact positif avec les communautés locales et globales n’est pas un objectif institutionnel, alors aucune ressource n’y sera consacrée.
  3. Des réussites et des exemples : Il importe de souligner de manière appropriée les réussites des enseignant.e.s et des étudiant.e.s, ainsi que les inciter à montrer l’exemple à leurs pairs.
  4. Du financement : L’Université York a investi 250 000 $ dans des bourses de démarrage en recherche autochtone, mettant du coup l’accent sur les travaux de recherche des jeunes chercheur.e.s pour qu’ils puissent mettre en branle leurs propres projets de recherche.
  5. De la formation : L’unité de MdC de l’Université York a organisé le cours MobilizeYU, qui vise à renforcer la capacité en matière de mobilisation des connaissances et d’impact de la recherche à l’Université York et dans le RIRC. Dans ce cours, on présente la théorie, et on propose les outils et les ressources qui sont à la disposition des chercheur.e.s et des communautés.
  6. Prix : Comme chaque année, le RIRC a tenu son appel à nominations pour les prix Engaged destinés aux étudiants des premiers cycles. L’Université York propose des prix pour la recherche, y compris pour l’impact de la recherche.

Bien que je travaille dans le contexte canadien, je tire des leçons de ce qui se passe et se fait partout dans le monde. Grâce à mon travail au sein de l’Association of Commonwealth Universities, je sais qu’il existe plusieurs pratiques prometteuses dans les pays à faible et à moyen revenu desquelles je peux tirer des leçons et que je peux mettre à profit dans le contexte canadien pour aider les chercheur.e.s d’ici à collaborer avec les partenaires communautaires au niveau local et mondial.

Pour en savoir plus, je vous invite à consulter les actes de la conférence internationale ARIN 2022 : « Rebuilding Better and Resilient Communities through a Just Transition in Africa. What does COP 27 offer? » (Reconstruire des communautés meilleures et résilientes par la transition équitable en Afrique. Quelles sont les propositions de COP 27?)

  • Jour 1, Thème 1 « Envisioning a Just Transition for Africa » (Imaginer une transition équitable pour l’Afrique), 7 décembre 2022.
    Cliquez sur ce lien pour visionner la conférence : https://youtu.be/7JvaJU66fSQ
  • Jour 2, Thème 2 « Building Just and Resilient Community Systems » (Bâtir des systèmes communautaires équitables et résilientes), 8 décembre 2022.
    Cliquez sur ce lien pour visionner la conférence : https://youtu.be/9ZdunzfQL34
  • Jour 3, Thème 3 « Decolonizing Policy Research Towards Resilient Communities » (Décolonisation des politiques de recherche pour des communautés plus résilientes), 9 décembre 2022.
    Cliquez sur ce lien pour visionner la conférence : https://youtu.be/8_d1D_k_zNE